annexes

 

 

ANNEXE 1

LA MISE EN CROYANCE ET L'ART CONTEMPORAIN

 

Dans les polémiques sur l’art contemporain qui ont défrayé la chronique dans les années 1990, il s’est à chaque fois agi de tracer la limite entre les choses auxquelles on croit, qui sont spontanément nommées « faits », « réalité », et les choses auxquelles on ne croit pas : la « religion », les « mythes », les « fétiches », etc[3442]. Ces mots fonctionnent moins comme des catégories descriptives que comme des catégories polémiques. La discréditation du point de vue de l’autre fonctionne par rabattement des prises de position axiologiques sur la sphère des illusions, de la religion, des « mythes », au sens frazérien[3443]. Les « traditionalistes » dénoncent comme « religion » l’art contemporain, comme l’indique le titre d’un ouvrage de M. Fumaroli ayant fait grand bruit, L’État culturel : essai sur une religion moderne[3444] ; les « modernistes », dénoncent, symétriquement, la « religion » de la tradition. L’ouvrage de P. Dagen La Haine de l’art[3445] est, à ce titre, exemplaire puisque y est dénoncé un mode de délectation « dévotieux » à la faveur d’une dilection qui serait d’autant moins « croyante », « religieuse », « mythologique » (p. 80) qu’elle serait décontractée[3446]. Le vocabulaire religieux s’y déploie avec une visée dénonciatoire : les musées sont les nouveaux temples[3447], où l’on va manifester sa religion[3448], sa dévotion[3449], sa vénération[3450], et surtout son fétichisme[3451] en contemplant des images saintes[3452], de saintes icônes[3453], des images pieuses[3454], des reliques[3455], des ex-voto[3456] ; le traditionalisme est rejeté au motif qu’il manifeste un pseudo-mysticisme par son obsession du péché originel[3457] qui requiert la purification[3458] par le retour à l’origine, la mystique de la terre natale[3459], qui est aussi un Âge d’Or[3460], d’un jadis édénique mythique[3461], de l’Arcadie[3462], dans un culte des morts[3463] et du passé que manifeste la religion du patrimoine[3464]. La critique historiciste stigmatise le caractère figé du temps muséal[3465]. Ainsi, il faut dénoncer la sacralisation[3466] dont le patrimoine fait l’objet, rendant sacrilège toute innovation[3467].

Le rabattement sur la sphère religieuse est le dispositif critique qui permet de disqualifier le rapport traditionaliste à l’art :

L’emploi de ce vocabulaire [religieux] est délibéré : dans un pays dont la foi n’est pas le fort, la dévotion au souvenir fait office de religion officielle. Il lui faut des officiants, des fêtes, des processions, des lieux de culte et des reliques. La dévotion au souvenir : l’une des caractéristiques les plus troublantes du xxe siècle. Aux fêtes des saints se sont substituées des fêtes historiques. Un monument aux morts dans chaque commune comme jadis une église ou une chapelle : l’horreur de la première guerre mondiale aurait-elle été décisive ? Elle a suscité l’organisation d’un culte des disparus qui s’est depuis amplifié — et s’est à l’origine appuyé sur ce qui restait de religion [...]. Cet engouement [pour les impressionnistes] va de pair avec le gonflement de la consommation de souvenirs et reliques impressionnistes et avec l’organisation de pèlerinages à flux abondants. Il y a, sur les circuits des tour-opérators, le jardin de Giverny, comme il y eut le Moulin-Rouge et Montmartre. La concurrence et les intérêts économiques des communes et des départements poussant à la multiplication de tels cultes, il y a désormais Auvers-sur-Oise, l’itinéraire Van Gogh à Arles, les stations du chemin de croix cézanien à Aix en Provence. On y achète des images pieuses — cartes postales, catalogues, posters, cd‑roms, — les vêtements sacerdotaux, — tee-shirts et foulards — le vin de la nouvelle messe — la cuvée Pissaro ou le rosé Cézanne — et les burettes — des poteries à l’ancienne. On y expie en masse l’injustice commise jadis contre ces pionniers, ces explorateurs, ces conquérants. On y compatit au martyre de Van Gogh. D’honnêtes fidèles rentrent ensuite chez eux assurés d’avoir accompli une bonne action quand ils n’ont fait qu’obéir à l’ordre de la consommation qui leur enjoint de se vouer à la commémoration de ce qui fut et au dédain de ce qui est[3468].

D’où la dénonciation de ce que l’auteur nomme la « patrimonolâtrie » (p. 71) vécue dans l’enthousiasme de la « communion » (p. 90, 151). Chez P. Dagen, le rabattement sur la sphère du religieux des pratiques associées à l’art du passé sert à défendre l’avant-garde et l’art contemporain.

D’une manière symétrique et inverse, la mise en croyance sert aussi à dénoncer l’avant-garde musicale chez B. Duteurtre. Le principe de la dénonciation de ce dernier repose, en effet, essentiellement, sur le rabattement des pratiques jugées critiquables sur la sphère du religieux. Ainsi, s’agissant de R. Wagner, « la tétralogie a suscité surtout par son discours sur l’art une religion sans équivalent pour Bach et Mozart[3469]. » L’auteur condamne ce qu’il appelle « les pèlerins de Bayreuth[3470]. » L’entrée en matière du contempteur de l’avant-garde musicale atonale s’apparente, dans un premier temps, à celle de son défenseur, P. Dagen, dans le domaine des arts plastiques :

Jamais l’histoire de l’art, débitée au fil des expositions, rénovations de monuments, productions discographiques, documents télévisuels, spectacles lyriques, n’a constitué, comme aujourd’hui, un commerce religieux[3471].

Mais ensuite, si le principe de l’argumentation reposant sur une distribution critique des observations entre faits authentiques et croyances religieuses est conservé, le contenu de cette distribution diverge, puisque c’est ici l’avant-garde, et spécifiquement l’avant-garde atonale et postsérielle, qui est brocardée, par rabattement sur les « croyances », les « mythes » et la « religion ». Aussi, cette musique est-elle considérée comme trop formaliste (« L’une des grandes dérives de la musique contemporaine [...] est cette religion de la forme pure[3472] ») ; trop intimidante (« L’art néo-avant-gardiste est devenu un moyen d’accès à une connaissance abstraite, ennemie de la sensualité ; il est la bible et l’eucharistie[3473] ». Devant les œuvres de J. Beuys, « les foules défilent poliment, désireuses de trouver ce qu’on leur a promis... Un art nouveau, une méditation des temps modernes. Mais cette religion devient parfaitement grotesque pour qui se contente d’observer les faits ») ; trop moderne (« Ce culte général et confus [de la modernité] a hanté notre demi-siècle, comme un évangile qui doit être toujours suivi et toujours justifié[3474] ») ; trop recherchée (« Érigée en fétiche, cette conception réduit la création artistique à une course à la recherche, quête de la découverte, dans laquelle chaque artiste serait là, moins pour créer un monde nouveau que pour fabriquer les instruments des artistes à venir[3475] ») ; trop ésotérique (« En Allemagne, le compositeur majeur du courant sériel, Karlheinz Stockhausen, paraît entraîné dans une dérive mystique mégalomaniaque. Gourou d’une secte composée de membres de sa famille[3476] ». « Le public spécialisé se retrouve au festival de Royan, aux Rencontres de l’art contemporain de La Rochelle, aux concerts du musée d’Art Moderne et aux autres Églises de la liturgie nouvelle, parrainés par une active génération de critiques, analystes, historiens[3477] ») ; trop étatisée (« De manifeste en festival spécialisé, de presse écrite en radio d’État, de polémique publique en cercles universitaires, de centre culturel en ministère de la culture, ont grandi les prêtres de la religion nouvelle[3478] ») ; trop commentée (les critiques de l’avant-garde atonale sont des « théologiens[3479] ». « Comment la théologie du commentaire a-t-elle envahi le monde de l’art[3480] ? ») ; pour un public trop peu passionné (les gens seraient « priés d’aller à la musique comme au catéchisme[3481] »).

Et si B. Duteurtre établit en pratique une homologie entre l’univers artistique et l’univers religieux, c’est moins dans une perspective anthropologique d’énonciation, que dans une perspective critique de dénonciation, en distribuant les uns du mauvais côté de la croyance (aimer la musique sérielle, le nouveau roman, la nouvelle vague[3482], D. Buren, C. Boltanski[3483], relève de la croyance), et les autres du bon côté de la vérité (aimer F. Poulenc, G. Fauré, M. Landowski, relève de l’amour authentique et sincère). En assimilant l’activité du compositeur jugé mauvais à celle du « prophète », et son auditoire à des « croyants », B. Duteurtre tente de faire régresser la relation musicale en une relation de croyance mystique qui aurait l’illusion et la crédulité pour principe :

Boulez et ses amis ont été les prophètes d’une salutaire modernité apposée à la réaction nationaliste, pour révéler au monde la Sainte Écriture de Webern ou de Varèse[3484].

Ceux qui savent résister à cette croyance sont précisément ceux qui sont distribués du côté des faits authentiques, tels ces musiciens courageux qui ont subi « le catéchisme [atonal] avant de découvrir ses limites[3485]. » L’exigence d’hermétisme, désindexant la création des contraintes du succès auprès du public, procède d’une mise en légende des musiciens maudits :

Beethoven, archétype du grand solitaire [...], échappe moins que tout autre à la mythologie du combattant méprisé, lui qui fut pourtant, de son vivant, le musicien le plus célébré d’Europe. Les professeurs de modernité ne manquent jamais d’évoquer l’incompréhension qui suscitèrent ses derniers quatuors, négligent que cette incompréhension très relative n’empêcha pas ces œuvres d’entrer presque immédiatement au répertoire courant[3486]. [...] Une caractéristique de la modernité à travers les âges est d’être nécessairement incomprise. Là encore, toute considération précise s’efface devant la nécessité ; si la musique contemporaine demeure incompréhensible au vaste public, c’est qu’il en a toujours été ainsi. Pour faire oublier leur échec trop flagrant, compositeurs et commentateurs s’appliquent à montrer l’hermétisme comme gage caractéristique de tout art nouveau. L’image contemporaine du créateur est celle d’un solitaire incompris, dont l’audace novatrice s’avère toujours trop élevée pour les goûts du public. Il résiste à l’hostilité par la souffrance ou le mépris. L’histoire musicale s’apparente à une galerie de saints et de martyrs, à l’image exemplaire de Schönberg, Webern, ou Varèse[3487].

Par ailleurs, l’auteur ajoute :

Entre les deux guerres, tandis qu’Adorno souligne la vertu presque religieuse du martyr Schönberg, le néoclassicisme du fabricant Stravonski constitue le triomphe de l’athéisme artistiques. À la fin des années 40, la naissance d’une esthétique musicale « antinazie » participe de l’invasion du champ esthétique par une mission religieuse, morale, politique, humanitaire, associée au dénigrement de la fantaisie créatrice. [...] Engagé sur tous les terrains, écouté par les pouvoirs, l’artiste est devenu prêtre. Le sens moral a envahi la consommation esthétique. Les expositions d’art contemporain ressemblent à des liturgies où le public n’exprime plus sa joie ou sa fureur par des empoignades, mais assiste, comme à la messe, aux sermons ennuyeux et nécessaires. L’artiste cherche le bien (le progrès, la structure, la gravité) et combat le mal (la réaction, la débauche, la gratuité). Ses œuvres donnent lieu à une abondante théologie historique. [...] Cette religion artistique est indissociable d’une aspiration à la pureté intellectuelle. Dans les abstractions musicales de l’après-guerre, comme dans la morale religieuse, celle-ci s’oppose à l’impureté du plaisir sensuel. La fascination du dépouillement contre la séduction. Moins que la beauté harmonieuse des jeux contrapuntiques, c’est la rigueur formelle des fugues de Bach ou l’austérité de quatuors de Beethoven qui représentent l’élévation de la religion artistique. L’art antihédoniste est une noble cause, au service du renoncement[3488].

On retrouve, quelques années plus tôt, le même type de vocabulaire chez J. Clair dans son Paradoxe sur le conservateur[3489]. L’auteur construit une grande homologie dans laquelle le face à face du monde de l’art avec celui de la religion permet de discréditer qui l’intervention d’État, qui l’avant-garde artistique, etc. Les avant-gardistes sont stigmatisés de la même manière : ils sont à la fois trop croyants (« sacerdotes[3490] », « prêtres[3491] », « apôtres[3492] », le « haut et [...] [le] bas clergé [...] multiplie génuflexions et élévations [...], il baptise et consacre, il délivre sermons et prêches[3493] ») ; trop étatiques (agents de la « religion officielle[3494] » obéissant au « ministère des cultes[3495] ») ; trop exigus (conduisant à des « excommunications[3496] » caractéristiques de la « réforme[3497] ») ; trop bavards (« conciles[3498] »). Dérisoire est leur objectif de mettre en contact (« répandre le nouvel évangile[3499] », « célébration [du] culte [de la modernité][3500] », de « la nouvelle religion[3501] », du « dogme[3502] » au cours de « liturgies[3503] » et de « rituels[3504] » à la manière du « catéchisme[3505] »), dans leurs musées (« basiliques[3506] », « temples[3507] »), le public (« fidèles[3508] ») et les œuvres (« reliques[3509] ») de l’avant-garde (« secte[3510] »). Le public, lui, est à la fois trop crédule (« célébration polythéiste[3511] » des « Dieu[x] de la modernité[3512] »), et trop grégaire (« processions de visiteurs[3513] »).

C’est encore sur le même mode que J.‑P. Domecq évoque V. Van Gogh, quelques moins avant la parution de l’ouvrage de N. Heinich, afin de mettre en croyance ceux qui, acceptant les propositions des avant-gardes les plus radicales, ne feraient qu’accomplir un acte de rachat préventif, tout en expiant cette faute originelle :

Pour Van Gogh, on ne sait plus comment payer, et se faire payer l’aveuglement du précédent qui, du vivant de Vincent, lui acheta une toile en tout, une et à vil prix. Ceci explique peut-être, par compensation rétroactive, la religiosité qui entoure la célébration de Vincent, ainsi que ses cotations records sur le marché de l’art (qui sait si la somme de ses œuvres ainsi cotées ne permettrait pas de racheter, à défaut de la Hollande, du moins son système bancaire...) On répondra que la peinture de Van Gogh est d’une grande valeur esthétique. Mais à ce point ? Avant qu’on en juge mieux, il faudra éloigner la figure du malheureux peintre. Devant ses tableaux, difficile de faire abstraction du destin de Vincent, « suicidé de la société », qui vécut en Crucifié sa passion d’artiste ; pareille ombre portée sur ses toiles troubles encore leur juste appréciation esthétique. Aussi peut-on soupçonner une part d’expiation dans la sacralisation de Van Gogh. Comme si l’aveuglement dont il fut victime pouvait se rattraper d’une quelconque manière[3514].

Le vocabulaire mobilisé permet la modalisation religieuse de la mise en croyance des pratiques jugées factices. À la disqualification par la critique, succède l’effort de compréhension des admirateurs, vectorisé par une mise en croyance formalisée, dans la plupart des cas, par le lexique religieux. L’auteur dénonce la « croyance collective[3515] » et l’« idolâtrie[3516] », que cause l’« illusion[3517] » à laquelle sont en proie ceux qui « défil[ent] pieusement[3518] » devant les œuvres d’A. Warhol[3519].

 

La mise en croyance est l’opérateur critique qui s’impose, qu’on soit favorable à l’avant-garde (P. Dagen) ou défavorable (B. Duteurtre, M. Fumaroli, J. Clair, J.‑P. Domecq). Les controversistes sont, à la fois, très proches, parce qu’ils instrumentalisent tous la mise en croyance pour construire leurs disqualifications, et, à la fois, très éloignés, dans la mesure où la distribution « faits » / « croyances » de leurs dénonciations est radicalement opposée. C’est donc parce que le recours aux homologies entre univers artistique et univers religieux, en contexte critique de dénonciation, a généralement une fonction polémique de discréditation, qu’il est impératif, en contexte a-critique de description, de faire un usage de ces catégories, d’une manière aussi précautionneuse que possible.


 

ANNEXE 2

 LA MISE EN CROYANCE ET L'INFORMATIQUE

 

L’exemple suivant nous semble être une exemplification particulièrement saturée des dispositifs de discréditation dont l’efficacité repose sur la cohérence d’une homologie construite par référence à l’univers religieux. La mise en croyance comme dispositif d’invalidation n’est pas un monopole des univers littéraire et artistique.

 

« “Pensez-vous qu’il restera un domaine dans lequel l’informatique ne servira à rien ?”, demande un lycéen un brin sacrilège. Non, Bill Gates n’en voit guère. [...] Pas gais, les jeunes, et Bill Gates guère plus. “On dirait un moine copiste”, soupire un photographe, écarté du prophète par sa garde rapprochée. [...] Frange plaquée sur le front, début de calvitie au sommet du crâne, pull gris-vert ras du cou, pantalon trop court, couvrant des chaussettes noires et dix bons centimètres de mollet. Bill Gates, quarante ans, ne cultive pas un look d’étudiant mais d’ascète. D’ailleurs il n’est pas là pour donner un show, mais pour célébrer la messe. “Les nouvelles technologies nous préparent un monde meilleur”, tel est son message, et celui de son livre. Il semble réellement y croire. L’informatique est sa religion. Elle l’a rendu riche. Elle lui rend grâce. Gates, dont la fortune personnelle est estimée à quelques soixante milliards de francs [près de 11 milliards d’euros], n’a plus grand-chose à gagner. Et ce n’est sans doute pas pour les 12 millions de francs [plus de 2 millions d’euros] d’avance reçu pour son livre qu’il se plie à cette énième tournée mondiale. Brother Bill est en mission d’évangélisation. 16h00 : conférence de presse. Un journaliste de tf1 s’autorise à demander au “Messie” : “Que pensez-vous des fêtes de Noël ?” Bill Gates, très sec : “Je n’ai pas de lumière particulière sur la question.” Voyez l’Église d’en face. Il est entendu qu’aucune question ne devra porter sur la vie privée de Bill Gates ni sur Microsoft. Le livre rien que le livre et l’avenir du monde [...][3520]. »


 

annexe 3

 L'EXIGENCE DE PONCTUALITÉ

 

 

m. butor[3521]

« R. Osemwegie — Vous avez dit quelque part “Pour moi, un des problèmes fondamentaux, c’est de devenir contemporain.” Qu’entendez-vous par cette réflexion ?

M. Butor — Je considère que nous sommes toujours en retard sur le monde qui nous entoure. Les nouvelles qui nous viennent de Chine arrivent avec un certain retard. D’abord parce qu’il y a un temps matériel de communication que les ondes de radio mettent à traverser l’atmosphère. À ce premier retard s’ajoutent énormément d’autres retards, en particulier parce que nous n’avons pas les instruments pour savoir ce qui se passe. Ce n’est que bien après que nous nous rendons compte qu’il y a vingt ans, quelque chose à quoi on n’avait pas accordé d’attention était en réalité un événement historique de première grandeur. Alors, ceci se répétant absolument dans tous les domaines, et constamment, nous sommes toujours[3522] en retard par rapport au monde qui nous entoure. Le monde dans lequel nous vivons est un monde en grande partie imaginaire ; nous vivons dans le monde de nos grands-parents, de nos arrières grands-parents, qui est toujours passé bien sûr parce que les choses, elles, ont changé ; nous sommes donc obligés de nous rendre compte qu’à tel ou tel égard, ça ne se passe plus comme cela se passait avant et comme nous croyons que ça se passe encore. Donc nous sommes surpris par le monde dans lequel nous sommes, et une grande partie de notre activité consiste à effacer tout ce qui gêne notre représentation.

La littérature, donc est toujours en retard sur la réalité. Si je veux écrire un livre qui décrit le monde contemporain (disons par exemple ce que c’est l’Égypte actuelle ou les États-Unis), mon livre sera toujours en retard. Pour combler ce retard, je peux essayer de faire de la prospective, en essayant de deviner ce qui se passera. Cela me permet de corriger un peu mon retard, mais il y a alors d’autres illusions qui viennent. C’est pourquoi la littérature, pour moi, est un moyen de devenir contemporain, parce que nous sommes perpétuellement en retard par rapport à nous-mêmes et par rapport au monde qui nous entoure. »

 

e. ionesco[3523]

« La littérature, la peinture, la musique avaient fait des expériences surprenantes : surréalisme, peinture de Picasso, peinture non figurative, nouvelle musique, etc... La psychologie avait fait des progrès énormes. Le théâtre était en retard. »

 

b. tesseydre[3524]

« Pourquoi la littérature est-elle restée l’affaire de littérateurs ? C’est sans doute que de plus en plus la France devient un pays culturellement sous-développé ; où sont-ils nos Joyce, nos Pound, nos Cummings, nos Burroughs ? Ces étrangers qui devraient être la préhistoire de l’écriture actuelle, ou son terreau maintes fois foulé, remanié, recouvert, ils sont plutôt en avant de nos écrivains, qui (je parle des meilleurs) s’essoufflent à les rattraper ! Notre “Nouveau Roman” est resté tout aussi romanesque que l’ancien [...]. Encore ce n’est pas assez dire : la littérature française est à la traîne de la littérature, mais la littérature entière marque le pas, elle n’a pas encore son Pollock, son Newman, son Stockhausen, elle n’en est même pas arrivée à Mondrian, à Webern ou à Varèse ! »


 

ANNEXE 4

LA HANTISE DU RETARD

 

 

fig. 5 

Pastille commerciale prélevée en avril 1998 sur un cd de H. Dutilleux.

 

Au même moment, on pouvait lire sur des affiches publicitaires 4×4 dans le métro parisien : « En avril sur Canal +. En retard ailleurs. »


 

ANNEXE 5

L'ÉTUDE DE RÉCEPTION AU SERVICE DE L'ŒUVRE

 

 

fig. 6

Extrait de M. Gosselin, Enfance de Nathalie Sarraute, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque », 1996, p. 230-231.


 

ANNEXE 6

ARTICLES SUR N. SARRAUTE DANS LES PUBLICATIONS PÉRIODIQUES

fig. 7

ANNEXE 7

 TIRAGES CUMULÉS DES OUVRAGES DE N. SARRAUTE PARUS AUX ÉDITIONS GALLIMARD

 

 

 

 

 fig. 8

Source : service commercial des Éditions Gallimard, 1996.

 

 

 

ANNEXE 8

VOIR  N. SARRAUTE EN PEINTURE

 

 

fig. 9 

Art Press, 07-08.1983

 

 

ANNEXE 9

DE LA NOTE À LA COTE

 

fig. 10

P. Schavey, "Enfance par Nathalie Sarraute", The Lion, 10.1983

 

fig. 11

Lire, 02.1998

 

 

ANNEXE 10

ÉPILOGUE AUX POÈMES SATURNIENS DE P. VERLAINE[3525]

 

 

1.        Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine,

2.        L’Égérie aux regards lumineux et profonds,

3.        Le Genium commode et l’Erato souveraine,

4.        L’Ange des vieux tableaux avec des ors au fond,

5.        La Muse, dont la voix est puissante sans doute,

6.        Puisqu’elle fait d’un coup dans les premiers cerveaux,

7.        Comme ces pissenlits dont s’émaille la route,

8.        Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux,

9.        La Colombe, le Saint-Esprit, le saint Délire,

10.     Les Troubles opportuns, les Transports complaisants,

11.     Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre,

12.     Ah ! L’inspiration, on l’invoque à seize ans !

13.     Ce qu’il nous faut à nous, les Suprêmes Poëtes

14.     Qui vénérons les Dieux et qui n’y croyons pas,

15.     À nous dont nul rayon n’auréola les têtes,

16.     Dont nulle Béatrix n’a dirigé nos pas,

17.     À nous qui ciselons les mots comme des coupes,

18.     Et qui faisons des vers émus très froidement,

19.     À nous qu’on ne voit point le soir aller par groupes

20.     Harmonieux au bord des lacs et nous pâmant,

21.     Ce qu’il nous faut à nous, c’est, aux lueurs des lampes,

22.     La science conquise et le sommeil dompté,

23.     C’est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,

24.     C’est l’Obstination et c’est la Volonté !

25.     C’est la Volonté sainte, absolue, éternelle,

26.     Cramponnée au projet comme un noble condor

27.     Aux flancs fumants de peur d’un buffle, et d’un coup

28.      d’aile

29.     Emportant son trophée à travers les cieux d’or !

30.     Ce qu’il nous faut à nous, c’est l’étude sans trêve,

31.     C’est l’effort inouï, le combat nonpareil,

32.     C’est la nuit, l’âpre nuit du travail, d’où se lève

33.     Lentement, lentement, l’Œuvre, ainsi qu’un soleil !

34.     Libre à nos inspirés, cœurs qu’une œillade enflamme,

35.     D’abandonner leur être aux vents comme un bouleau ;

36.     Pauvres gens ! L’Art n’est pas d’éparpiller son âme :

37.     Est-elle en marbre, ou non, la Vénus de Milo ?

38.     Nous donc, sculptons avec le ciseau des Pensées

39.     Le bloc vierge du Beau, Paros immaculé,

40.     Et faisons-en surgir sous nos mains empressées

41.     Quelque pure statue au péplos étoilé,

42.     Afin qu’un jour, frappant de rayons gris et roses

43.     Le chef-d’œuvre serein, comme un nouveau Memmon,

44.     L’Aube-Postérité, fille des temps moroses,

45.  Fasse dans l’air futur retentir notre nom !

 

 

 

ANNEXE 11

LA LITTÉRATURE DE LA RATURE

 

 

 

fig. 12

Extrait du manuscrit de "Disent les Imbéciles", 1976.

 

 

ANNEXE 12

LA DROITE CONSTANCE DE N. SARRAUTE

(Références des illustrations, cliquer ici.)

 

 

 

 

ANNEXE 13

PRIÈRE D'INSÉRER DE MARTEREAU, 1953[3526]

 

 

fig. 71

 

 

 

ANNEXE 14

LA COLÈRE DE R. MATIGNON

 

fig. 72

R. Matignon, Le Figaro, 18.09.1989

 

 

ANNEXE 15

NÉGATION ET CHASTETÉ : UN MANIFESTE DE CINÉASTES

 

 

 

fig. 73

Libération, 14.05.1998

 

 

ANNEXE 16

PALINODIES

(CF. ANNEXE 14)

 

fig. 74

R. Matignon en 1976

Le Figaro, 01.05.1976

 

 

ANNEXE 17

JUSTICE OPÉRALISTE ET TÉLÉVISION

  

 

« La référentialité [...] incline le journaliste à la biographie de l’auteur ; aux anecdotes qui ont allure d’événements ; la narrativité, elle est immédiate, la vie devient “récit de vie” de l’auteur [...]. Tendance qui agit au-delà du champ biographique de l’auteur, et qui induit une attitude similaire à l’encontre des personnages de roman : l’auteur leur est modèle, père ou mère, et ils sont dits et montrés comme “personnes de vie”. Il y a un “personnalisme” de la médiacritique-tv, qui est de concevoir l’être des lettres qu’est, en essence, le “personnage”, comme une vivante “personne”. Tendance qui se conforte de l’attente du public pour qui, dans sa massive majorité, le récit est un reflet de la vie des gens et le personnage un être doué d’une âme dont les secrets demandent une approche prioritairement psychologique. Est-on si loin de la grande idéologie sainte-beuvienne, encore dominante dans l’enseignement de la littérature ? Les risques qu’affronte la médiacritique-tv, sont tous ceux d’un néo-beuvisme. Représenter et probablement, à son insu, la littérature comme ce qui s’articule par écrit dans la relation d’une vie et d’une œuvre, ou inversement d’une œuvre à une vie. D’un texte à un vécu. Proust n’a pas ruiné, par son Contre Sainte-Beuve, cette approche beuvienne, puis lagarde-michardienne de la littérature. La mcl-tv a la responsabilité lourde de sa puissance de diffusion, de conforter ce penchant à l’évidence, banale, doxique, de chercher source à la rivière, racines d’arbre au fruits, nuages à la pluie, et de penser que la qualité d’eau potable est déterminée par la forme de la huée [...]. Tout un dispositif (comme l’a démontré P. Lejeune) qui, avec son appareil structurel, comme ébauché ci-dessus, fonctionne pour oublier le texte de son écriture. Ce que renforce la difficulté à iconiser l’écriture[3527]. »

 


ANNEXE 18

N. SARRAUTE DANS LE MONDE DOMESTIQUE

  

  

fig. 75

C. Sarraute, "Sarraute, l'impossible autoportrait", Politis, 12.10.1989

 

ANNEXE 19

LES REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES DE N. SARRAUTE DANS LA PRESSE

 

 

ANNEXE 20

LES MÉDIATIONS LITTÉRAIRES

 

 

Triangle  1

 

 

 

Triangle  2

 

 

 

Triangle  3

 

 

 

Triangle  4

 

 

 

Auteur, Texte, Techni-que

 

 

 

Auteur, Texte, Techni-que

 

 

 

Acteur, metteur en scène

 

 

 

 Auteur

 

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Lecteur

 

Dieu,

Muse, etc.

 

Lecteur

 

Réel, Vérité, etc.

 

Spectateur

 

Auteur

 

Lecteur

 

Texte

 

fig. 89

 

Légende : la construction de l’authenticité du message s’instrumentalise, dans le premier triangle, par la mise en transparence de l’auteur (procédure symbolisée par un grisé), pour privilégier la source « véritable » de l’énonciation, qui peut être Dieu, une Muse, l’inconscient, etc. La parole est authentique pour autant que l’auteur s’efface derrière cette source.

De même, dans le second triangle, l’œuvre littéraire est considérée comme authentique par le lecteur pour autant que textes, auteurs (etc.) soient transparents, pour laisser parler le réel, la vérité, etc.

Le troisième triangle est homologue aux deux précédents. En régime humaniste, le metteur en scène doit s’effacer pour laisser parler l’auteur de la pièce, c’est-à-dire du texte.

Dans le quatrième triangle, l’auteur s’efface derrière son texte dont il n’est que le porte-parole. La personne de l’auteur n’est plus que le médiateur entre le texte écrit par lui et le lecteur : c’est le triangle de la justice opéraliste.

Tout médiateur est prédisposé à prendre place dans une structure triangulaire du type de celles-ci n

 

 

 

MÉDIATION

FINALITÉ

TYPE D'APPROCHE

 

personne

1

personnalisme

(connaître la personne comme telle ; pas de lecture nécessaire)

PERSONNE

 œuvre

2

opéralisme

(connaître la vie de l’auteur pour comprendre l’œuvre)

 

  

personnage

3

personnalisme

(connaître la vie de l’auteur pour saisir la vie des personnages)

 

personne

4

personnalisme

(connaître l’œuvre pour connaître la personne)

ŒUVRE

œuvre

5

opéralisme

(connaître l’œuvre pour elle-même)

 

personnage

6

personnalisme

(connaître l’œuvre pour connaître des personnages)

 

personne

7

personnalisme

(connaître les personnages pour connaître la personne)

PERSONNAGE

œuvre

8

opéralisme

(connaître les personnages pour comprendre l’œuvre)

 

 personnage

9

personnalisme

(connaître les personnages pour eux-mêmes)

 

fig.  90

 

 

Légende: le tableau se lit de gauche à droite et comme suit : par exemple, pour la première ligne : l’intérêt à la personne (colonne 1) permet, soit, premièrement, (colonne 3, ligne 1), de donner accès à une meilleure connaissance d’une œuvre (opéralisme biographique) ; soit, deuxièmement, (colonne 3, ligne 2), de comprendre mieux la psychologie des personnages (psychologisme biographique, les personnages sont traités comme des personnes) ; soit, troisièmement, (colonne 3, ligne 3), de connaître la personne pour elle-même sans que le détour par l’œuvre s’avère nécessaire. Etc. n


 

ANNEXE 21

LA COPIE DU PRIÈRE D'INSÉRER

 

fig. 91

Prière d'insérer d'Entre la vie et la mort

fig. 92

Combat, 30.04.1968

 

 

ANNEXE 22

LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX DU JOURNALISTE DANS LES JOURNALISTES PAR H. DE BALZAC[3528]

 

 

avarice

L’homme d’affaires, une des variétés du propriétaire-directeur-rédacteur en chef « voit dans un journal un placement de capitaux dont les intérêts lui sont payés en influence, en plaisirs et quelquefois en argent » (p. 24).

« Entre l’argent à empocher et le gouvernement de la plus belle partie de l’intelligence, la Presse n’a pas hésité : elle a pris l’argent et a résigné le sceptre de l’article de fond » (p. 98).

« Presque tous les débutants, plus ou moins poètes, grouillent dans ces journaux en rêvant des positions élevées, attirés à Paris comme des moucherons par le soleil, avec l’idée de vivre gratis dans un rayon d’or et de joie jeté par la librairie ou par le journal » (p. 109).

 

colère

« Axiome : frappons d’abord, nous expliquerons après » (p. 38).

« Il ne s’agit plus d’y avoir des idées [dans la critique] on tient beaucoup plus à une certaine façon de dire les choses qui se résout en injures » (p. 76).

« Ce que le critique trouve éminemment drôle et de haut goût est de vous serrer la main, de paraître votre ami, tout en vous piquant avec les aiguilles empoisonnées de ses articles ».

« Le bravo [type de journaliste] veut se faire un nom, ou, du moins, il l’espère, en s’attaquant aux grandes réputations ; il est connu pour empoigner les livres, pour les échiner ; il est assommeur-juré. Cet équarrisseur littéraire ne discute pas une œuvre, il la dépèce ; il ne l’examine pas, il l’écrase. [...] Ses articles sont des exécutions. » (p. 110).

 

envie

« Presque tous les débutants, plus ou moins poètes, grouillent dans ces journaux [à scandale] et rêvent de positions élevées » (p. 108).

« Les propriétaires-rédacteurs-en chef-directeurs-gérants de journaux sont avides et routiniers » (p. 24).

« Vous l’avez vu jeune [le journaliste de type farceur], élégant, passant pour avoir de l’esprit [...] et vous le retrouvez flétri, passé, les yeux aussi éteints que son intelligence [...] il n’a plus rien dans le ventre[3529], que l’impuissance, l’envie et le désespoir » (p. 84).

« Il est grammairien, il lit les œuvres dont il rend compte, il est consciencieux dans son envie, et voilà pourquoi les ennemis de tout talent intitulent ce garçon un grand critique » (p. 88).

[L’exécuteur des hautes œuvres], « sa base est l’envie, mais il donne de grandes proportions à son envie et à son ennui » (p. 87).

Les débutants « prennent l’envie pour une muse » (p. 108).

Les bravi [variété de « petits journalistes »] « ne manquent pas de manteaux pour envelopper leur envie ou leur misère » (p. 111).

 

gourmandise

Le journaliste-homme d’État, 3e variété, attaché-détaché, « dîne à toutes les tables » (p. 53).

Le thuriféraire « passe sa vie en fête » (p. 85).

 

luxure

« C’est un homme fort ou un homme habile qui se résume par une danseuse, par une actrice ou une cantatrice, quelquefois par sa femme légitime, la vraie puissance occulte du journal » (p. 22).

Le critique mondain : « Ce vieux critique a cet avantage sur le précédent [c’est-à-dire l’universitaire] qu’il n’écrit plus ; il cache son dédain des œuvres contemporaines sous une exquise politesse et sous des formules pleines de bonhomie : il s’accuse de peu d’intelligence, il est encore homme à femme [...], il achète les plus belles dents et les plus beaux cheveux du monde » (p. 81).

Le jeune critique blond : « Quand le critique est logé dans quelque quatrième étage avec une fille, il est essentiellement moral et crie sur tous les toits : “Où allons-nous ?” [...] Il fait lire les ouvrages par sa maîtresse, et il adopte l’analyse qu’elle lui en fait » (p. 83).

On trouve parmi les critiques « beaucoup de jolis garçons qui ne pensent qu’à l’amour » (p. 109).

« Tout cela [c’est-à-dire les journaux] s’invente et s’imprime pour réjouir ce sultan hébété de jouissances appelé Paris. Hélas ! La France est colossale jusque dans ses petitesses, jusque dans ses vices, jusque dans ses fautes » (p. 136).

 

orgueil

Le journaliste peut être un « propriétaire ambitieux » (p. 22).

« L’écrivain des Premiers-Paris [c’est-à-dire éditorial non signé] a beaucoup de morgue : il se croit nécessaire » (p. 28).

Beaucoup de « ténors » (rédacteurs du Premier-Paris) sont « gourmés et prétentieux, mettent tant de vertus au dehors qu’il ne doit plus leur en rester au dedans » (p. 35).

 

paresse

« Après le triomphe de juillet, un vieux ténor gauchiste avoua qu’il n’avait jamais écrit que le même article pendant douze ans » (p. 32).

 « Autrefois, l’instruction, l’expérience, de longues études étaient nécessaires pour embrasser la profession de critique ; elle ne s’exerçait que fort tard ; mais aujourd’hui, comme dit Molière, nous avons changé tout cela. Il y a eu des critiques qui se sont constitués critiques du premier bond, et qui, comprenant les règles du jeu sans pouvoir jouer, se sont mis à professer. Le jeune homme de vingt ans juge à tort et à travers » (p. 76).

Le « critique de la vieille roche » « ne sort pas de ces trois formes : pour, contre, sur. » (p. 79).

« La trompette de La Presse joue une musique variée, éclatante et poétique : on devine facilement que celui qui l’embouche y souffle sans efforts » (p. 103).

« Le feuilletoniste du National est de l’école paresseuse, il sort quelquefois de son sommeil et jette des éclairs passagers qu’on remarque » (p. 106).


ANNEXE 23

LEXIQUE DE LA DÉNONCIATION DE L'AVANT-GARDE MUSICALE : B. DUTEURTRE, REQUIEM POUR UNE AVANT-GARDE (PARIS, ROBERT LAFFONT, 1995)

 

 

colère: cf. orgueil

 

commentaires, bavardages

« Après Claude Simon, Michel Butor, Marguerite Duras, après ceux qui inventaient de nouveaux langages impénétrables, est venu le règne de la « nouvelle critique », l’art du commentaire universitaire, apothéose de la prose “byzantine” » (p. 234).

 

décadence

« La seconde moitié du xxe siècle, malgré quelques lueurs, aura été, pour le vieux monde, le temps d’un déclin [...], le déclin de l’art français » (p. 18). Le motif de la décadence et du déclin généralisé apparaît souvent, qu’il s’agisse de l’enseignement, de l’architecture parisienne, etc. (p. 256).

 

disqualification de nature (cf. vacuité)

À propos d’Explosante-fixe[3530], de P. Boulez : « Le public applaudit sans enthousiasme. Nous n’avons pas découvert une musique nouvelle, mais la présentation de mode d’une image de musique nouvelle : son langage, son vocabulaire, sa pensée, son style minutieux, capable de faire oublier l’absence même de musique » (p. 87). Rejet de la « prolifération d’un conformisme anticonformiste, l’éclatement de la non-musique en une myriade de jeux et de concepts » (p. 103).

 

disproportions, différentiels

« D’indéniables aspirations musicales, de réels talents se manifesteront dans le petit monde sériel, quoique l’effort demandé à l’auditeur paraisse souvent disproportionné au plaisir spécifiquement esthétique » (p. 45). Regret d’une « inadéquation entre la complication théorique et un résultat sonore désespérément monotone » (p. 106). « Créant au nom du Dieu Moderne beaucoup de bruit pour rien, l’avant-garde atonale a peut-être aidé quelques artistes à accoster aux rivages de la musique avec une oreille fraîche et quelques idées neuves » (p. 113).

 

doxa, lieu commun, poncif, cf. équivalence

 

épreuves réputationnelles et marchandes

La défense du règlement des échanges artistiques selon les seules lois du marché condamne implicitement l’intervention de l’État qui est traitée comme « extérieure », voire « impure », puisque, d’une part, elle rend la concurrence déloyale entre les différents producteurs de biens artistiques, tandis que, d’autre part, elle modifie l’ajustement « naturel » entre offre et demande. L’irruption de l’État court-circuite la pertinence de l’épreuve réputationnelle publique puisque l’argent public peut, dans certains cas, relayer le public lui-même. Or, l’épreuve réputationnelle publique constitue un mode d’évaluation qui prête difficilement le flanc à la critique car étant chiffrable, elle permet une objectivation du suffrage, c’est-à-dire l’évaluation tangible du succès ou de l’échec à l’épreuve réputationnelle, c’est-à-dire, enfin, la valeur, ce qui n’est pas rien dans une période d’anomie axiologique. Dans ce contexte, l’autonomie, traitée comme la suspension de la contrainte de la demande sur la production, est considérée comme fatale car elle conduit à l’hermétisme, au ghetto, etc.

Les défenseurs de l’intervention étatique considèrent d’ailleurs que cet argument n’est pas final (au sens où il vaudrait pour lui-même), mais instrumental : il est présent non pas au nom d’une éthique libérale d’une concurrence pure et parfaite, mais pour la justification de goûts traditionnels qui s’accommodent mal des audaces artistiques que la subvention publique a rendues possibles :

« Qui achète cette peinture ? Les entreprises ? Les organismes d’État ? Les spéculateurs à court terme ? Les “blanchisseurs” d’argent sale ? Qui lit cette littérature ? Elle se feuillette puis s’oublie dans les rangées des bibliothèques. Qui écoute cette musique ? Personne ou presque. » (p. 16). « Rejeté par la quasi-totalité des amateurs de musique, le milieu de la musique atonale a pris rapidement la forme d’un groupe d’influence, réduit par le nombre mais puissant par ses réseaux » (p. 134). « La gloire de Boulez n’a, quoi qu’il en soit, pas de rapport direct avec ses qualités de compositeur. Malgré de considérables moyens de diffusion, son œuvre ne parvient pas à s’imposer, sinon peut-être dans la littérature musicographique. Il suffit de comparer pour s’en convaincre, quarante ans après le nombre toujours aussi dérisoire d’exécutions du Marteau sans maître composé à la même époque par Poulenc, Britten, Chostakovitch ou Dutilleux » (p. 164). « Les concerts du Centre Pompidou attirent toujours le même cercle d’invités permanents, renouvelé au fil de la saison par quelques étudiants curieux qui finissent par se lasser. La série des publications discographiques lancée par l’ircam et Erato se vend péniblement à quelques centaines d’exemplaires. » (p. 166). « Les rares exécutions d’œuvres innombrables dépendent de petits moments organisés et subventionnés, “créations mondiales” devant quelques douzaines d’amis. Les droits d’auteur rejoignent d’année en année le néant. Leurs productions discographiques demeurent inexistantes ou confidentielles au moment même où les grandes maisons de disques montrent un intérêt nouveau pour la création contemporaine [...] » (p. 185). « Le nouveau roman et ses variantes, à la différence de la musique atonale, n’ont pas exercé dans l’institution littéraire une domination sans partage. Le marché du livre, contrairement à celui de la musique, repose sur la production et la vente de romans inédits, davantage que sur l’exploitation d’un “répertoire”. Si dans l’activité musicale, les interprètes ont ravi la place des compositeurs, les écrivains vivants contribuent à alimenter l’essentiel des lectures. Le contact entre le vaste public exige donc, pour une partie de la production, une certaine forme de séduction. » (p. 238).

 

épreuve temporelle

Validation de l’épreuve temporelle : « Même au meilleur d’elle-même, cette musique [en l’occurrence, celle de L. Berio] vieillit mal : trente ans plus tard, elle n’est guère rejouée » (p. 44).

 

équivalence (mise à l’~)

L’auteur discrédite les mouvements avant-gardistes en les mettant en équivalence dans une « doxa néo-avant-gardiste » (p. 173), « les techniques modernes » étant devenues « le poncif stylistique de cette fin de siècle » (p. 238).

 

exercice

La nouvelle vague « a débouché sans doute sur des réussites, en mêlant à son propos des traditions plus consistantes, telle la comédie théâtrale chez Rohmer. Il a également dérivé dans les plus assomants exercices de style (collages, citations, auto-commentaires...), comme La Chinoise et les films ultérieurs de Godard » (p. 246).

 

étatisme et gaspillage de l’argent public

L’intervention de l’État dans le marché artistique n’a pas eu seulement pour conséquence de modifier l’équilibre de l’économie du marché artistique en rendant l’offre moins dépendante des contraintes de la demande, elle se réfléchit aussi dans la nature même de ces œuvres qui, étant moins contraintes par les pressions propres à la structure de l’interdépendance, comme dans le cas de la musique américaine tonale, ou de la musique baroque en Europe, qui ne bénéficie que très peu des subventions publiques, se contente de produire des œuvres sans dépendre des sanctions du public :

« Après une période de coupure profonde entre l’avant-garde et l’art populaire (l’une toujours plus hermétique, l’autre traitée comme un produit industriel), le nouveau tournant tonal rapproche les deux pôles de la création[3531] » (p. 125). A contrario, « dans certains pays, comme les États-Unis, le conflit [artistique] s’est résolu selon la simple logique économique. L’avant-garde visionnaire est demeurée marginale, laissant place à divers courants dotés d’un vaste public, censés reconstituer, aux marges de l’industrie, une tradition artistique. [...] La nécessité d’être entendu semble y avoir entretenu une certaine énergie créatrice, une certaine urgence de la beauté, quoique la plus grande partie de la production culturelle y apparaisse particulièrement désolante. » (p. 223). Tandis qu’en France, « les compositeurs, peintres, écrivains, architectes ont survécu, grâce à une bureaucratie puissante, constituée par leurs pairs. Celle-ci a tenté de contrôler, d’absorber, de gérer toutes les tendances de la création moderne, jusqu’aux plus irréalistes. Maintenant sous perfusion des lobbies d’Avant-Garde, l’État s’est posé en défenseur du patrimoine culturel, tout en récupérant dans son giron les formes répertoriées de la révolte adolescente moderne : rap d’État, rock d’État... » (p. 223). « Le milieu de la “création”, sans lien direct avec la vie musicale, s’est réduit aux ghettos subventionnés » (p. 225).

 

fusion auteur / public (vs fission) (cf. étatisme)

« Si l’on considère [...] que la forme d’un mouvement artistique réside dans son universalité, sa capacité de rayonner au-delà de lui-même, de rapprocher plutôt que de séparer, la musique répétitive aura été l’un des riches moments de l’après-guerre[3532] » (p. 110). L’auteur privilégie le modèle des États-Unis : « Dans ce pays peu centralisé où l’organisation étatique de la culture est presque inexistante[3533], l’alliance nouvelles des compositeurs, des interprètes, des maisons de disques (Nonesuch, cbs...), des orchestres et des opéras renverse la perspective de la musique tonale. » (p. 157). « L’œuvre de Boulez n’existe que jouée sous sa direction, par son propre ensemble, avec le soutien des finances publiques » (p. 164). À l’ircam, on n’a guère produit d’œuvres « qui aient eu un réel impact sur la vie artistique, si l’on excepte les événements organisés autour de Répons de Boulez, ou les créations du jeune Philippe Manoury. [...] Ces moments de musique, intéressants sans doute, justifiaient-ils une telle entreprise publique, de tels investissements financiers ? » (p. 166).

 

idéologie

« Il me semble que rarement l’empire idéologique de l’art ait été aussi grand que dans cette société qui célèbre bruyamment “la fin des idéologies”, mais où l’ennui est plus que jamais signe d’intelligence. » (p. 16). « Le compositeur-théoricien de “musique contemporaine” aborde la technique musicale comme un ordre idéologique. » (p. 64).

 

intellectualisme vs hédonisme

L’esthétique contemporaine célèbre l’effort intellectuel qui cherche dans une idée, détachée de la séduction musicale. Elle sépare le plaisir en deux ordres contradictoires : celui du bas plaisir hédoniste, consommation sensuelle grossière, développée par l’industrie (plaisirs de supermarchés, de sex-shops, voluptés monotones des chansons de variété, humour lourd) ; et celui du plaisir supérieur, élaboration artistique distillée dans les laboratoires qui se réfère à un contenu contre toute jouissance. Cette division constitue le binôme caractéristique de ce temps. » (p. 218). « À trop répéter que l’œuvre de plume se distingue par son style, on ne se contente pas de rappeler un lieu commun. On claironne le mot d’ordre par lequel nombre d’écrivains tentent de justifier leurs pensums. » (p. 239). L’auteur condamne « l’art “conceptuel” qui dans son ordre purement intellectuel, constitue l’équivalent de l’atonalisme généralisé » (p. 250).

 

officiel : cf. Étatisme

 

métier

L’auteur déplore que l’intellectualisation conduise à l’« apprentissage [qui] peut exclure toute connaissance “académique” tout savoir-faire artisanal » (p. 253). Revendication du savoir-faire, plutôt que du savoir, du « métier » (par exemple dans le cas du jazz, p. 127).

 

nationalisme

L’auteur défend les traditions nationales, les spécificités des musiques selon les pays et réclame, en citant C. Lévi-Strauss, des différences entre nations pour pouvoir rendre possible l’échange (p. 194-195, p. 227).

 

 

nostalgie : cf. retour À

 

orgueil, colère

« L’attaque fut lancée par François Truffaut en 1954 (il était alors âgé de 22 ans) dans Les Cahiers du Cinéma, sous l’influence du théoricien André Bazin. Jacques Rivette devait également y contribuer. Carné, Duvivier, Clouzot, Autant-Lara étaient priés de rejoindre Poulenc, Sauguet, Jolivet dans les poubelles de l’histoire » (p. 245). L’univers de l’avant-garde musicale est un « milieu fier de lui » (p. 103). « L’arrogance avec laquelle les avant-gardistes nient le sens commun est irrésistible » (p. 48).

 

paresse

« Concrètement la littérature ne se lit plus guère, mais se feuillette. Elle se parcourt et doit pouvoir, à chaque ligne, procurer par son style, la fascination fragmentaire d’une illusion littéraire, d’une phrase d’écrivain. D’un usage rapide, la néo-littérature est adaptée au mode de vie contemporain. [...] Elle exige peu d’énergie et de disponibilité. Elle se zappe, s’absorbe dans le désordre, par bribes qui raniment un instant les esprits fatigués. C’est le triomphe des petits livres abondamment divisés, des nouvelles intitulées romans qui, sous leur couverture classique, donnent à l’homme contemporain le sentiment d’avoir accompli en une demi-heure son devoir de culture[3534] » (p. 239).

 

parisianisme, mondanitÉs

« L’histoire mondaine de la musique atonale s’accélère avec la création en 1954 des concerts du Domaine Musical » (p. 49). Rejet des « cénacles » avant-gardistes (p. 54).

 

politique

L’auteur refuse la régression de l’esthétique au politique. Il tente par là de conjurer l’épreuve politique à laquelle procèdent ceux qui, errant dans les controverses esthétiques, se font une opinion en recourant, parfois négativement, à des repères politiques, sous la forme : « si l’extrême droite n’aime pas, c’est que c’est bien », selon le principe « les amis de mes amis sont mes amis et les ennemis de mes ennemis sont mes amis » : « Par un glissement dont on ne sait s’il est cynique ou naïf, les détracteurs de l’atonalisme institutionnel sont assimilés, dans les conversations parisiennes, à un groupe de néo-fascistes plus ou moins lié à l’essor du Front National. Un numéro de L’Événement du jeudi intitulé La France réac (1989) comporte un article sur les intellectuels d’extrême droite, illustré par une photo de J.‑M. Le Pen, dans lequel est effectué ce rapprochement direct entre l’autoritarisme raciste et la condamnation de certains courants de l’art contemporain : “À bas Boulez, Le Corbusier, disent-ils” » (p. 173).

 

progrès

« Pour cerner l’avenir, les contemporains se contentent de projeter certains archétypes des ruptures répertoriées : par exemple la musique du passé étant caractérisée par son homogénéité tonale, sa régularité rythmique, ses intervalles diatoniques, celle de l’avenir doit courir vers l’accumulation infinie de dissonances, d’irrégularités rythmiques, de micro-intervalles, comme si cette antithèse donnait la certitude de la nouveauté » (p. 132).

 

recette

« Chez Picasso, Picabia, Mondrian, Kandinsky, l’invention picturale était un parcours. Chez les héritiers, elle devient une recette, déclinée à l’infini » (p. 250).

 

réduction au général : nivellement, règne du « n’importe quoi »

L’auteur refuse « cette conviction que tout phénomène sonore est musique » (p. 58). Rejet radical de J. Beuys pour lequel tout le monde est un artiste : « La perception spontanée de tout développement, [détermine] un sens musical ; tandis que l’indifférenciation des sons se traduit par l’immobilité et le non-sens » (p. 69). « Il est possible de jouer à peu près n’importe quoi dans le registre atonal, dissonant, dissymétrique, heurté » (p. 97). « Tandis qu’un Boulez, un Lutoslawski se limitent à un hasard “contrôlé”, nombre de leurs contemporains s’engouffrent joyeusement dans une régression mentale. L’art savant rejoint le jeu d’enfants, animé par des gourous » (p. 97).

 

réflexivité

« La création à Houston en 1985 de l’opéra Nixon in China (qui rompt avec les opéras-sur-l’opéra, pour accorder un sujet historique contemporain) porte Adams au premier plan de la vie musicale internationale » (p. 120). Valorisation de la musique de C. Debussy, I. Stravinski, W. A. Mozart, F. Schubert qui « n’exige aucune explication extérieure ou supérieure. [...] Dans la tradition postromantique, puis expressionniste, au contraire, la musique renvoie de plus en plus fréquemment hors d’elle-même et en constituerait la profonde substance. [...] La partition devient intermédiaire entre l’auditeur et les sciences humaines » (p. 215). « Après Deleuze, Derrida, Blanchot, vient aujourd’hui le moment des jeunes romanciers flegmatiques dont les histoires ressemblent à des jeux absurdes, sans autre sujet que l’absurde parlant de lui-même ; sans autre propos que celui des machines littéraires. Les héritiers du nouveau roman, envoyés par l’État à la Villa Médicis, y retrouvent les héritiers de la musique sérielle » (p. 234).

 

réduction au régulier, cf. Équivalence

 

religion, croyance (cf. annexe 1)

 

retour À

« Les musiciens de l’après-guerre donnent le meilleur d’eux-mêmes en réintégrant le champ musical (on pourrait dire également que le roman contemporain, pour dépasser l’impasse du non-sens et de la prose poétique, redécouvrira la narration ; ou que la peinture égarée dans l’infini de l’abstraction redécouvrira la figuration) » (p. 113).

 

science : cf. technique

 

technique, la théorie, science, etc.

« Le compositeur-théoricien de “musique contemporaine” aborde la technique musicale comme un ordre idéologique. » (p. 64). I. Xenakis est qualifié de « prototype d’ingénieur en composition » (p. 54), considéré comme étant « un ingénieur et un architecte avant d’être un compositeur » (p. 75). « Le discours sur la musique est le vrai cœur de l’activité néo-avant-gardiste. Les partitions sont accompagnées de guides, de modes d’emploi. Autour des compositions gravite un corps professoral, chargé d’expliquer ce qui n’existe pas » (p. 87).

 

théorie: cf. technique

 

transgression

« Appliquant à des grilles nouvelles tous les procédés compositionnels néo-avant-gardistes, les fabricants de langage perpétuent leur vision du système tonal comme un ordre politique totalitaire qu’il convient de transgresser » (p. 172).

 

travail

La langage de P. Boulez « qui s’efforce de conjuguer l’utopie poétique à la rigueur formelle, exige de l’auditeur un effort continuel, rarement gratifiant » (p. 45).

 

vacuité

« La perception spontanée de tout développement, déterminant un sens musical ; tandis que l’indifférenciation des sons se traduit par l’immobilité et le non-sens » (p. 69). « Le rejet d’une organisation sonore hiérarchisée par l’oreille au profit d’une unité purement mentale, permet l’utilisation permanente, à l’intérieur d’une œuvre, de la totalité du spectre sonore, du suraigu au surgrave, où les structures finissent par se dissoudre dans un tourbillon qui s’apparente au vide. » (p. 79). « L’absence d’harmonie perceptible du langage musical se veut représentation de l’angoisse de la mort ; la disparition du sens dans le récit littéraire se prétend symbole d’un monde absurde ; le vide devient signe de profondeur. » (p. 219) ; « Il est indispensable de parler de style et d’en voir partout. Mais ce style n’est, la plupart du temps, que redondance verbale ou monotonie grammaticale appuyée, qui permettent de travestir le vide. » (p. 238) ; « Le cinéma français contemporain sous de telles influences, devait rejoindre le goût général du vide néo-expressionniste, de l’ennui, de la lenteur, de la non-narration. Tous ces penchants se sont mêlés dans un art fastidieux, ennemi des plaisirs de la représentation » (p. 246).


SOURCES DES ILLUSTRATIONS DE L'ANNEXE 12 ET DE L'ANNEXE 19[3535]

 

 

 

fig. 13 : Les Nouvelles littéraires, 30.07.1953 ; fig. 14 : France Observateur, 31.05.1956 ; fig. 15 : Tribune de Lausanne, 03.02.1957 ; fig. 16 : Arts, 03.06.1959 ; fig. 17 : Vogue, 11.1959 ; fig. 18 : Les Nouvelles littéraires, 22.06.1961 ; fig. 19 : The Guardian, 08.03.1962 ; fig. 20 : Le Soir, 25.09.1963 ; fig. 21 : Le Figaro littéraire, 05.01.1967 ; fig. 22 : Gazette littéraire, 14-15.01.1967 ; fig. 23 : Carrefour, 15.05.1968 ; fig. 24 : Télérama, 29.05-04.06.1976 ; fig. 25 : Le Soir, 09.05.1968 ; fig. 26 : Le Figaro, 06.09.1976 ; fig. 27 : Les Nouvelles littéraires, 30.09.1976 ; fig. 28 : Carrefour, 14.10.1976 ; fig. 29 : Bicolore Roussel, 12.1976 ; fig. 30 : La Croix, 16-31.12-1978 ; fig. 31 : Les Nouvelles littéraires, 08-15.02.1979 ; fig. 32 : Les Nouvelles, 02.1984 ; fig. 33 : Des Femmes en mouvement, 04.1978 ; fig. 34 : Journal de Genève, 04.12.1976 ; fig. 35 : Lire, 03.1980 ; fig. 36 : La Quinzaine littéraire, 16-31.03.1980 ; fig. 37 : L’Express, 19-25.03.1982 ; fig. 38 : La Libre Belgique, 26.03.1980 ; fig. 39 : Construire, 23.07.1980 ; fig. 40 : Parlements et corps constitués, 02.1983 ; fig. 41 : Matin de Paris, 18.04.1983 ; fig. 42 : Libération, 28-29.04.1984 ; fig. 43 : Le Figaro, 01.10.1976 ; fig. 44 : L’Événement du jeudi, 26.06-02.07.1986 ; fig. 45 : L’Humanité, 28.07.1985 ; fig. 46 : Sud Ouest, 10.08.1986 ; fig. 47 : Le Point, 15.12.1986 ; fig. 48 : L’Express, 17-23.08.1986 ; fig. 49 : Le Monde, 22.09.1989 ; fig. 50 : Libération, 28.09.1989 ; fig. 51 : Télérama, 20.09.1995 ; fig. 52 : Le Figaro, 19.02.1990 ; fig. 53 : Globe, 10.1989 ; fig. 54 : La Quinzaine littéraire, 01.10.1989 ; fig. 55 : Le Figaro magazine, 23.09.1989 ; fig. 56 : L’Humanité, 13.06.1980 ; fig. 57 : Le Magazine littéraire, 01.1967 ; fig. 58 : Le Point, 04.10.1976 ; fig. 59 : Télérama, 30.08.1995 ; fig. 60 : Paris Normandie, 26.04.1963 ; fig. 61 : Libération, 07.09.1995 ; fig. 62 : L’Événement du jeudi, 21.09.1989 ; fig. 63 : Elle, 20.11.1989 ; fig. 64 : L’Officiel de Paris, 12.1989-01-1990 ; fig. 65 : Marie-Claire, 05.1983 ; fig. 66 : Le Nouvel Observateur, 07.04.1980 ; fig. 67 : Libération, 12.10.1982 ; fig. 68 : L’Express, 29.04-05.05.1968 ; fig. 69 : Le Quotidien du médecin, 07.04.1981 ; fig. 70 : Le Point, 07.04.1980 ; fig. 76 : L’Est Républicain, 12.06.1959 ; fig. 77 : Paris Normandie, 30.11.1959 ; fig. 78 : Ruban rouge, 06.1960 ; fig. 79 : Pourquoi pas, 14.08.1959 ; fig. 80 : Liber, Le Monde, 06.1990 ; fig. 81 : Dessin de B. Cleeve, Le Monde, 15.04.1983 ; fig. 82 : Magazine littéraire, 01.1997 ; fig. 83 : Télérama, 11.06.1980 ; fig. 84 : The New York Times Books Review, 01.04.1984 ; fig. 85 : Télérama, 29 05.1983 ; fig. 86 : La Croix, 23.09.1989 ; fig. 87 : Libération, 28.09.1989 ; fig. 88 : Le Nouvel Observateur, 18-24.09.1997.



 

 

[3442]. La référence au Kred (puissance magique) puisée dans É. Benveniste permet à P. Bourdieu de jeter un discrédit préalable sur toute croyance, tout en réduisant des relations multimodales variables en degrés d’intensité, à une relation unimodale invariable et substantielle (« croyance »). Cf. le paragraphe intitulé « Crédit et croyance », P. Bourdieu, « La représentation politique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 36-37, 03.1981, p. 14.

[3443]. « Par mythe, j’entends des explications erronées de phénomènes, que ce soit de la vie humaine ou de la nature extérieure [...]. Elles sont toujours fausses, car si elles étaient vraies, elles cesseraient d’être des mythes ». (J. G. Frazer, cité dans J.‑L. Siran, L’Illusion mythique, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, 1998, p. 56).

[3444]. Paris, Éd. de Fallois, 1991. Cf. également, sur le même mode : M. Fumaroli, « La culture et les loisirs : une nouvelle religion d’État », Commentaires, vol. xiii, n° 51, p. 425-435 ; J. Clair, « De la modernité conçue comme une religion », Cahiers du mnam, 1989, p. 14-18.

[3445]. P. Dagen, La Haine de l’art, Paris, Grasset, 1997.

[3446]. C’est au nom d’une posture de délectation plus détendue que P. Bourdieu justifiait, à la fois, son travail sociologique sur la littérature (« trinquer avec les morts » dans l’avant-propos des Règles de l’art, op. cit.) et sa condamnation des usages disqualifiés comme dévots (cf. les pages du préambule sur D. Sallenave).

[3447]. P. Dagen, La Haine de l’art, Paris, Grasset, 1997, p. 56, 155.

[3448]. Ibid., p. 152.

[3449]. Ibid., p. 83.

[3450]. Ibid., p. 86.

[3451]. Ibid., p. 83, 84, 152, 154.

[3452]. Ibid., p. 57.

[3453]. Ibid., p. 84.

[3454]. Ibid., p. 86.

[3455]. Ibid., p. 64, 68, 81, 85.

[3456]. Ibid., p. 70.

[3457]. Ibid., p. 39.

[3458]. Ibid., p. 39.

[3459]. Ibid., p. 45.

[3460]. Ibid., p. 53.

[3461]. Ibid., p. 85.

[3462]. Ibid., p. 67.

[3463]. Ibid., p. 49.

[3464]. Ibid., p. 67.

[3465]. Ibid., p. 72.

[3466]. Ibid., p. 68.

[3467]. Ibid., p. 68.

[3468]. Ibid., p. 69 et 82. De même les amateurs de R. Wagner sont désignés comme étant les « pèlerins de Bayreurth » (p. 215).

[3469]. B. Duteurtre, Requiem pour une avant-garde, op. cit., p. 216.

[3470]. Ibid., p. 215.

[3471]. B. Duteurtre, Requiem pour une avant-garde, Paris, Robert Laffont, 1995, p. 7.

[3472]. Ibid., p. 83.

[3473]. Ibid., p. 92.

[3474]. Ibid., p. 132. La pionnière de l’interprétation « à l’ancienne », succédant aux « concerts historiques » de l’époque romantique, justifiait sa pratique du clavecin, en dénonçant « la religion du progrès » qui fait du piano un clavecin « évolué », donc meilleur (W. Landowska, Musique ancienne. Style-interprétation/instruments-artistes, Paris, 1909 cité in I. A. Alexandre (s.l.d.), Guide la de musique ancienne et baroque, Paris, Robert Laffont, 1993, p. xiii).

[3475]. Ibid., p. 132.

[3476]. Ibid., p. 158.

[3477]. Ibid., p. 103.

[3478]. Ibid., p. 135. Pour une dénonciation du financement de l’Institut de Recherche et de Coordination Acoustique-Musique (ircam) par l’État, cf. p. 161. Sur le gaspillage de l’argent public par des édiles peu scrupuleux, cf. p. 166.

[3479]. Ibid., p. 149.

[3480]. Ibid., p. 19.

[3481]. Ibid., p. 92.

[3482]. Ces différentes avant-gardes qui occupent la même position dans chacun des univers respectifs peuvent susciter des réactions différentes, voire opposées par la même personne. On peut être « arrière-gardiste » ici, « avant-gardiste » là : « Tandis que la musique atonale renonce, dans son principe, aux données physiologiques de la perception musicale, la peinture abstraite agit au contraire comme une sublimation de la pure sensation visuelle. On peut trouver un vrai plaisir hédoniste devant certaines formes colorées de Kandinsky, Pollock ou Manessier. »

[3483]. On retrouve le même type de liste dans J.‑P. Domecq, « Prendre la responsabilité de dire non », La Revue des deux Mondes, 03.1995, p. 106.

[3484]. Ibid., p. 188. L’auteur évoque ironiquement ici la biographie de P. Boulez par J. Aguila.

[3485]. Ibid., p. 173.

[3486]. Ibid., p. 152.

[3487]. Ibid., p. 152.

[3488]. Ibid., p. 214. C’est l’auteur qui souligne.

[3489]. J. Clair, Paradoxe sur le conservateur, précédé de De la modernité conçue comme une religion, Caen, l’Échoppe, 1988.

[3490]. Ibid., p. 8.

[3491]. Ibid., p. 9.

[3492]. Ibid., p. 15.

[3493]. Ibid., p. 40 et 42.

[3494]. Ibid., p. 14.

[3495]. Ibid., p. 15.

[3496]. Ibid., p. 16.

[3497]. Ibid., p. 17.

[3498]. Ibid., p. 18.

[3499]. S’agissant des musées ouverts dans les années 1920, cf. ibid., p. 13.

[3500]. Ibid., p. 14.

[3501]. Ibid., p. 16.

[3502]. Ibid., p. 40.

[3503]. Ibid., p. 15.

[3504]. Ibid., p. 40.

[3505]. Ibid., p. 23.

[3506]. Ibid., p. 14.

[3507]. Ibid., p. 39.

[3508]. Ibid., p. 8, p. 14.

[3509]. Ibid., p. 19.

[3510]. Ibid., p. 14.

[3511]. Ibid., p. 10.

[3512]. Ibid., p. 10.

[3513]. Ibid., p. 27.

[3514]. J.‑P. Domecq, « La fortune critique d’Andy Warhol », Esprit, n° 173, 07-08.1991, p. 111.

[3515]. Ibid., p. 113.

[3516]. Ibid.

[3517]. Ibid.

[3518]. Ibid.

[3519]. Cf. également J.‑P. Domecq, « Nouvelles interventions sur l’art contemporain », Esprit, n° 244, 07.1998, p. 200-206 ; O. Mongin, « Les hommes de l’art et les autres, le débat sur l’art contemporain, acte ii, Esprit, n° 239, 01.1998, p. 159-177 ; etc. Sur la dénonciation critique de la « religion de l’art », au nom d’usages estimés plus « rationnels », cf., également, A. Compagnon, Les Cinq Paradoxes de la modernité, op. cit., 1990, p 94 sq, qui dénonce la « mystique » de Kandinsky, de P. Mondrian, ou de Malévitch, ou le « fétichisme » des surréalistes. Cf. également, la dénonciation de la « fétichisation de l’artiste », p. 136.

[3520]. É. Launet, « Big Brother Gates entend rester le pape », Libération, 04.12.1995. Pour un autre exemple d’une technique de mise en doute de l’informatique par révocation en croyance, on peut également se reporter à D. Sallenave, « Il suffit de lire Voltaire pour comprendre Salman Rushdie », Livre Hebdo, 271, 28.11.1997.

[3521]. M. Butor in R. Osemwegie, Entretiens avec le nouveau roman, Québec, Noaman, 1985, p. 26.

[3522]. C’est l’auteur qui souligne.

[3523]. E. Ionesco, « Le nouveau roman, c’est du bricolage », Le Figaro littéraire, 10.02.1966.

[3524]. B. Tesseydre, « Où en est l’avant-garde ? », La Quinzaine littéraire, 16.09.1970.

[3525]. P. Verlaine, Poèmes saturniens, Paris, Gallimard, « Folio-Poésie », 1991 (1973), p. 92-94.

[3526]. Ce prière d’insérer est à comparer avec celui, beaucoup plus général, de l’édition de poche reproduit dans N. Sarraute, Œuvres complètes, p. 1791.

[3527]. J. Peytard, « Médiacritique littéraire », in grelis, J. Peytard (coord. par), La Médiacritique littéraire, Besançon, Université de Besançon, 1990.

[3528]. H. de Balzac, Les Journalistes, Paris, Arléa, 1991 (1843).

[3529]. C’est l’auteur qui souligne.

[3530]. Édité chez dg.

[3531]. Essentiellement représenté par la musique répétitive américaine.

[3532]. L’auteur évoque ici la musique répétitive américaine et en l’occurrence celle de J. Adams, P. Glass et S. Reich. Ces trois compositeurs sont édités par une maison d’édition de musique contemporaine, Electra Nonesuch (détenue par la multinationale Warner) qui se targue de faire des bénéfices dans un dépliant publicitaire diffusé en 1998 à la fnac, intitulé, « Les musique américaines de Nonesuch ».

[3533]. À ce sujet, voir les réflexions sur le National Endowment of Arts (nea) dans P. Bourdieu, H. Haacke, Libre-Échange, Paris, Le Seuil/Les Presses du réel, 1994.

[3534]. Un peu plus loin (p. 253), l’auteur dénonce la paresse du public, et par là, se contredit en stigmatisant l’effort requis dans les œuvres de l’avant-garde atonale et sérielle. Il avait raillé P. Boulez qui, lui-même, avait raillé la paresse du public qui « résistait » à ses œuvres.

[3535]. Échelles et cadrages modifiés.